Existence d’une servitude : contre qui se retourner? Vendeur, agent immobilier, notaire
SUR LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE DU VENDEUR DU FAIT DE NE PAS AVOIR DEVOILE L EXISTENCE D UNE SERVITUDE par Maitre CHARBIT SEBAG, avocat en Guadeloupe
Le vendeur engage sa responsabilité contractuelle en ne dévoilant pas à l’acheteur une servitude non apparente dont il a connaissance.
Il ressort de l’article 1638 du Code civil que :
« Si l’héritage vendu se trouve grevé, sans qu’il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu’elles soient de telle importance qu’il y ait lieu de présumer que l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n’aime se contenter d’une indemnité ».
Ainsi, la découverte d’une charge non déclarée par l’acheteur après la vente donne lieu à la résolution de la vente et/ou à des dommages et intérêts.
On rappellera qu’en matière de charges inconnues, il appartient au vendeur d’informer l’acheteur de l’existence des servitudes occultes, et non à l’acheteur de se renseigner à cet égard (Req 30 décembre 1940).
Ainsi, si le vendeur a faussement affirmé dans l’acte de vente qu’il n’a constitué sur le fonds aucune servitude et qu’il n’en existe pas à sa connaissance, il a commis une erreur contractuelle dont il doit réparation (Civ 3e, 5 février 1974 Bull Civ I n 57).
Il a été jugé qu’il y a lieu de présumer que l’acheteur n’aurait pas acquis l’immeuble s’il avait été informé :
– en présence d’une servitude d’alignement frappant l’immeuble vendu sur trois mètre de profondeur sur toute sa longueur (Ca Versailles 3e ch 1er juin 1992)
– en présence d’une servitude de passage souterrain d’une ligne haute tension EDF qui imposerait à l’acheteur de reculer le mur de soutènement qu’il se proposait de construire, et lui ferait perdre environ 5 % de la surface utile (CA Nimes, 1er ch civ A 3 fév 2009)
– en présence d’une servitude de passage souterrain de canalisation remettant en cause le projet de l’acheteur (Cas identique à l’espèce actuelle : CA Dijon ch civ B 28 novembre 2002 n 01/00532)
Ainsi vous avez la possibilité d’engager la responsabilité du vendeur qui n’a pas dévoilé l’existence d’une servitude.
SUR LA RESPONSABILITE DELICTUELLE DE L’AGENCE IMMOBILIERE EN TANT QUE REDACTEUR D ACTE .-
Quand bien l’agent immobilier n’ait pas d’obligation légale de rechercher d’éventuelles servitudes, il ressort clairement de la Jurisprudence (Ccas Civ1 17 janvier 1995 n° 92621193) que l’intermédiaire professionnel, négociateur et rédacteur d’un acte, est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de la convention. Même à l’égard de la partie qui ne l’a pas mandaté (Civ 1ere 25 novembre 1997 : Bull Civ I n 321).
L’agent immobilier a l’obligation de se renseigner pour savoir si l’opération est en adéquation avec les buts poursuivis par le contractant.
L’agent immobilier est tenu à une obligation de résultat en matière de rédaction d’acte.
SUR LA RESPONSABILITE DELICTUELLE DU NOTAIRE EN TANT QUE REDACTEUR D ACTE .-
L’article 16 de la loi du 29 novembre 1966 pour les sociétés civiles professionnelles, disposent dans leurs alinéas 1 et 2 :
« Chaque associé répond ensemble de son patrimoine des actes professionnelles qu’il accomplit.
La société est solidairement responsable avec lui(..)
De ce fait, tout client, qui s’estime lésé par la faute d’un notaire associé peut agir contre le notaire lui-même, contre la société dont il fait partie, ou joindre les deux actions ».
La jurisprudence considère que la responsabilité du notaire ayant omis de mentionner l’existence d’une servitude non aedificandi, ne peut être engagée par les acquéreurs que sur un fondement délictuel puisqu’il est tiers au contrat de vente (Civ 1er, 23 sept 2003, n° 99-21.174)
1) Sur l’obligation d’assurer l’efficacité des actes et l’obligation pour le Notaire de se renseigner
On rappellera la jurisprudence de la Cour de Cassation qui impose aux Notaires de procéder avant de dresser leurs actes, à la vérification des faits et conditions nécessaires pour assurer l’utilité et l’efficacité desdits actes (Civ 1, 4 janvier 1966, Bull Civ 1, n°7). L’obligation de procéder à des investigations est d’autant plus grande qu’il existe une publicité légale aisément accessible (Civ 1e, 8 janvier 2009, Bull civ 1 n°1).
La jurisprudence a retenu que commettait une faute engageant sa responsabilité professionnelle le notaire, à qui il incombe d’assurer l’efficacité de l’acte, qui omet de vérifier les fausses déclarations du vendeur relatives à l’absence de servitudes grevant le bien vendu (CA PARIS 2 mai 2000, n°1999/06287 ; Ccas Civ 1 13 Janvier 2004 N°00-20399).
En omettant de mentionner dans l’acte de vente l’existence d’une servitude, le notaire a commis un manquement directement à l’origine du dommage subi par l’acquéreur qu’il oblige à réparation (Cas Civ 1er 23 septembre 2003 n ° 99-21.174)
Le professionnel rédacteur d’acte peut être responsable en totalité ou en partie du dommage subi par l’acheteur du fait des charges non déclarées, si sa faute a participé à la production de ce dommage.
Dans un arrêt concernant notamment une canalisation, le notaire a été tenu d’indemniser l’acheteur à concurrence du cout des travaux nécessaires pour faire cesser la servitude, en l’occurrence du cout du déplacement de la canalisation (Cass 1er Civ 3 janvier 1996 : Bull Civ 1996, I, n 7)
2) Sur l’obligation d’information pesant sur le notaire et sur la charge de la preuve lui incombant
a) L’obligation d’information et de conseil du notaire
La mission d’authentification des actes attribuée au notaire entraine comme préalable, et parfois comme prolongement, un véritable devoir de conseil ( et non seulement une obligation de renseignement). Ce devoir a pris aujourd’hui une importance considérable voir pléthorique.
Le notaire est tenu professionnellement d’éclairer les parties et de s’assurer de la validité et de l’efficacité des actes qu’il instrumentalise.
Le notaire doit prendre toutes les dispositions utiles pour assurer l’efficacité des actes qu’il rédige, notamment en ce qui concerna la protection des parties à l’acte ( Cass Com 12 oct 2004 ; RJDA 2005, n 291).
Il doit « éclairer les parties et appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique » ( Cas Civ 1e 19 dec 2006 : Jurisdata n 2006-036607)
b) La charge de la preuve incombant au notaire
La charge de la preuve que l’information et le conseil ont été donné pèsent sur le débiteur ( Cass 3e civ 4 mai 1976 : Bull civ 1976, III, n 184 ; Cass 1e 29 avril 1997, Bull civ 1997,I,n 132)
SUR LE PREJUDICE SUBI PAR L’AQUEREUR
En vertu de l’article 1637 du Code civil, les acquereurs ont droit à une indemnité égale à la moins value de la chose objet de la vente, résultant soit de la perte d’une partie de cette chose en raison de l’éviction partielle, soit de l’existence de la charge.
La jurisprudence considère que l’indemnité due par le vendeur est égale à la différence de valeur entre l’immeuble sans la servitude et l’immeuble tel que grevé par la servitude (Cas 3e Civ 2 avril 2003) A certains égards, cette indemnité est analysée comme la restitution d’une partie du prix à l’acheteur, payé en trop eu égard à la valeur réelle de la chose. L’indemnité due par le vendeur à l’acheteur sera égale à la moins value résultant de la servitude.
La jurisprudence, considère également qu’il est préférable d’avoir une approche fonctionnelle de l’action estimatoire, et répare le préjudice « en condamnant à la restitution du prix correspondant au cout des travaux nécessaires pour remédier aux vices permettant d’être en possession d’un immeuble conforme à celui que les acheteurs avaient souhaité acquérir » (Civ 3e 1er février 2006, n 05-10845), en condamnant au paiement de la déviation de la servitude de canalisation ( Voir CCas Civ 1ere 3 janvier 1996 n 93-20404).
Maitre CHARBIT SEBAG, Avocat en Guadeloupe